dimanche 7 juin 2009

Un dimanche au purgatoire

Évidemment, vous le savez, Françoise et moi, c'est une longue histoire. Littéraire, bien entendu. Cette histoire a commencé à l'époque où elle raflait tous les prix des concours de nouvelles avec ses deux amis Flipo et Urien. Puis elle a ouvert Mot compte double, une maison de fous, qu'elle m'a invité à rejoindre. Ce que je ne pouvais refuser. Quant à Manu Causse, c'est récent, quelques mois tout au plus, j'ai découvert son blog, sa musique, ses 807, pour enfin lire un de ses livres, et je ne le regrette pas.


Un dimanche au bord de l'autre de Françoise Guérin
J'avais aimé son premier recueil, Mot compte double (oui, comme le blog, pure coïncidence). Seulement, j'avais trouvé qu'il manquait de cohérence. Du reste, comme d'autres recueils de la maison Quadrature. Je dis cela sans aucune volonté de déprécier le recueil (excellent) ni le travail de l'éditeur (essentiel). C'est juste que je suis un vieux garçon bourré de principes parmi lesquels celui qu'un recueil doit être cohérent, au niveau du style, des thèmes. Cela ne remet absolument pas en cause la qualité de chaque nouvelle. Par exemple, j'avais adoré Coma, texte implacable, qui nous avait valu un passionnant échange concernant le temps du dernier paragraphe.
Un dimanche au bord de l'autre de Françoise GuérinMais revenons au dimanche. Eh bien, ce deuxième recueil, d'un point de vue cohérence, est parfait. Les nouvelles mettent en scène des psys, des patients. On pourrait craindre un recueil un peu lourd au vu des sujets traités. Seulement, Françoise a deux techniques. La première consiste à écrire des choses intelligentes (elle connaît bien les sujets, ça aide). La seconde, à les écrire intelligemment. Très bonne idée, par exemple, que ce Divan qui revient entre chaque nouvelle, il aère le recueil. Écouter à ce propos la lecture du premier Divan par Sylvie Pavot.
Autre méthode pour capter le lecteur : le style. Françoise mêle l'humour, le mot juste et le rythme. Et le musicien que je suis est très sensible au rythme. Pour se rendre compte ce que signifie le rythme selon Guérin, écouter la page 48 (c'est un vrai acteur qu'il aurait fallu, pas un lecteur amateur comme moi) : jeux de mots, monologue, dialogue, etc.
Difficile pour moi de dire quelles nouvelles je préfère. Ce serait comme choisir un chapitre d'un roman. Bon, je vais le relire, au cas où.
Son recueil a reçu le prix Missives (Poste et l'Atelier du Gué), ce qui lui vaut un bon soutien dans la revue Brèves (dont je parlerai demain).
Et je ne mentionnerai pas son polar À la vue, à la mort, au Masque, on en parlera quand elle sortira le deuxième opus, d'accord ?
Un dimanche au bord de l'autre a paru à l'Atelier du Gué.


Visitez le purgatoire (emplacements à louer) de Manu Causse
Visitez le purgatoire (emplacements à louer) de Manu CausseCommençons par être désagréable. Ça n'a pas été simple d'acheter ce recueil en librairie. Je vous conseille plutôt de le commander directement auprès de l'éditeur, vous gagnerez du temps. Voilà, c'est fait. Passons à l'essentiel.
L'écriture de Manu est hypersensible, à la limite de la poésie parfois, et, qualité que j'apprécie, elle est faite d'empathie. Oh, pas d'empathie superficielle, pas celle des "je vous ai compris" de circonstance. Manu sait partager la douleur de ses personnages tout en prenant le recul nécessaire pour éviter le voyeurisme. Car Manu est un funambule.
Alors qu'elle habite chaque texte de Manu, la poésie domine complêtement Som. C'est le seul texte qui m'ait déçu. Certainement suis-je un mauvais lecteur, pas assez aveyronnais parce que trop normand, pour goûter à cette poésie-là. Un peu comme ce que je ressens souvent en écoutant de la musique classique, j'admire la construction, les harmonies, les musiciens mais ça ne me transporte pas (je suis aussi mauvais auditeur).
Autre petit bémol, la fin de l'excellentissime Chasse à l'homme, que j'ai trouvée trop explicative. J'aurais aimé qu'il la ferme un peu le gendarme, que la fin claque.
Mis à part ces deux remarques, j'ai adoré ce recueil ; le mystère qui enveloppe progressivement Adam et Eve, ou la vie exaltante de M'sieur Luc très bien rendue. Et puis Atlas.
Parlons d'un sujet que je ne maîtrise pas. Atlas, c'est l'antithèse de la gay pride, c'est parler d'une relation homosexuelle avec finesse, sans cliché, sans provocation. La gay pride, c'est "je suis pédé et je t'emmerde", certainement une réaction à l'homophobie, pas le meilleur moyen de la combattre. Manu, quant à lui, se place dans la normalité, voire l'universalité, analyse la douleur de la perte, fût-elle celle d'un homme pour un autre homme. Et je suis flatté que cette douleur-là s'appelle Franck, prénom somme toute commun mais peu utilisé en littérature. Je suis persuadé que les homosexuels n'aspirent qu'à l'indifférence, je veux dire qu'on ne considère plus leur sexualité comme un critère (pour un poste, une adoption, un logement, etc.), et je pense que des textes comme Atlas peuvent y contribuer, lentement. Finalement, Atlas ne parle pas de relation homosexuelle, il parle du deuil, de ce monde qui s'écroule face à la perte de l'être aimé, et seul Atlas peut soulever ce monde.
Si vous n'êtes toujours pas convaincu qu'il faut lire ce recueil, voyez comme en parle (bien mieux que moi) Magali Duru, une pépite.
Je voudrais terminer en tirant mon chapeau à l'éditeur. J'ai rarement lu chez un petit éditeur si peu de coquilles, de fautes, et la typographie est impeccable. Il a débauché les correcteurs de Gallimard ? J'apprécie, c'est une question de respect du lecteur.
Visitez le purgatoire (emplacements à louer) a paru aux éditions D'un noir si bleu.

La prochaine fois, je vous parlerai de deux revues: Brèves et l'Encrier renversé.

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