dimanche 25 janvier 2009

Pour le service après-vente, appelez les 807

La lecture du précédent message vous a convaincu d'une chose : je me disperse. Et vous vous demandez, à juste titre, si je ne multiplierais pas les activités et les projets bloguesques afin de retarder le moment où je présenterai enfin un livre à des éditeurs, craignant leur refus.

On dit que les lecteurs ont toujours raison. Je ne voudrais pas contredire on. J'ai donc créé un nouveau blog, les 807. Et ça parle de quoi ? On trouve ça sur ledit blog :
Ce blog existe simplement pour prouver que l'idée que j'ai décrite ici, c'est n'importe quoi. On peut aussi l'envisager comme un hommage à un écrivain pour lequel je suis partagé entre l'admiration et la totale incompréhension.
Éric Chevillard lui-même a inauguré le blog, avec la nonchalance qui le caractérise, c'est-à-dire sans avertir quiconque. Il n'était pas au courant, plaide-t-il. C'est vrai, et alors ? Piètre excuse. J'ai contacté Clopine Trouillefou et Xavier Garnerin qui ont rejoint tout de suite le projet (Clopine en parle ici). Merci à eux, sans qui ce projet n'aurait pu exister. Et j'annonce que le premier 807 d'Emmanuelle Urien sera publié le 30 janvier, 15 – สิบห้า (c'est du thaï), avant d'autres participants, par exemple le lendemain où l'on nous parlera de spermatozoïdes, 18 – Восемнадцать (c'est du russe).

Comme vous le voyez, cela se met en place tranquillement. Il y aura quelques surprises, évidemment, notamment demain soir à 20h07 (ce sera du lourd). Certains m'ont déjà demandé comment participer à l'aventure. C'est très simple : il suffit de m'envoyer un chèque de 807 euros (mon prochain blog s'intitulera les 10 000)*. Pour ceux qui n'ont pas de chéquier, j'ai créé une adresse : les807 @  free.fr.

J'ai déjà reçu des propositions, il me faut un peu de temps pour répondre à toutes. Ne criez pas au scandale si cela prend deux semaines. Notez que je n'accepterai pas tout. Il y a une ligne éditoriale très stricte et très complexe. Je vous l'expliquerai quand je l'aurai moi-même comprise. Parmi les premières candidatures spontanées, j'ai retenu celle de Jean Prod'hom qu'on pourra lire le 1er février.

Rendez-vous aux 807, deux fois par jour à 8h07.
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* Je précise, notamment à mon contrôleur des impôts qui ne partage pas forcément mon humour, que ceci est une blague.
Photo:
8h07, de Franck Garot

mercredi 14 janvier 2009

Prochainement sur votre écran

Afin d'éviter toute déception dimanche soir, je vous préviens qu'il n'y aura rien de nouveau à lire ici. Je comprends votre frustration, voilà pourquoi je souhaitais vous annoncer le programme pour les deux ou trois prochains mois, ce que je vous réserve en textes et autres billets.

Vendredi soir, sur Mot Compte Double, ce sera n'importe quoi avec une chronique où je (re)parle du plagiat par anticipation, à l'occasion de la sortie du dernier livre de Pierre Bayard.
Portrait de Gustave Flaubert par Eugène Giraud, 1867Bientôt chez Magali Duru, un texte où je reviendrai sur mes années collège: Gustave Flaubert censuré ! Il ne me reste qu'à l'écrire. Je mets un portrait du gars pour prouver que vous êtes bien sur un blog sérieux.

Cela dit, je ne souhaite pas squatter tous les blogs littéraires. Françoise Guérin et Magali Duru ont la gentillesse de m'accueillir, il y a toujours une place à table pour moi. Et ce n'est pas parce que j'ai maintenant ma propre maison que je ne visiterai plus la leur. Seulement, à chaque fois que je vais chez elles, je passe devant un café comme je les aime, bonne ambiance, conversation de qualité, etc. C'est le café Calipso. Il me fallait absolument y entrer. Et comme on m'a fait savoir que j'étais le bienvenu, je vous prépare une série de 12 textes qui seront publiés en alternance, sur les trois blogs (liens à droite).
Et Vers minuit dans tout ça ? Deux textes seront publiés dans les semaines qui viennent : Rebours, dont j'ai déjà parlé, et Le verre de grenadine déjà publié sur Mot Compte Double. Je dois encore trouver les illustrations. Je prévois aussi d'écrire un billet sur le pastiche et un autre sur le go pour la sortie d'un livre dont je termine la correction.

Enfin, j'en profite pour vous signaler que j'ai créé une liste de diffusion pour avertir des nouvelles publications sur ce blog. C'est à droite, il suffit de mettre son adresse mail dans la boîte et de cliquer sur le bouton Abonnement.
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Illustration: Portrait de Gustave Flaubert par Eugène Giraud, 1867

dimanche 11 janvier 2009

Le doughnut à l’étroit

(à la manière de Marie NDiaye)


Caryn me regarde, à moins que ce ne soit Maureen, je ne sais pas les distinguer, elle me fixe d'un œil mauvais car elle n'approuve pas ma réponse, alors qu'elle n'en aurait de toutes les façons pas plus approuvé une autre, quelle qu'elle fût. Mes filles rejettent et critiquent tout ce que je dis, me reprochant sans cesse qu'elles n'ont pas de père, par ma faute. Elles pensent que j'ai décidé qu'elles n'auraient pas de père, alors que je ne sais toujours pas comment j'ai pu tomber enceinte, et je n'ai aucune honte à le dire, je suis persuadée de n'avoir couché avec personne à cette époque, me trouvant trop grosse, trop banale, et donc trop laide pour intéresser des garçons convenables ; et pour avoir, dans un moment de faiblesse, confié ceci à mes filles, elles me considèrent comme une demeurée, m'appellent la Sainte Vierge. Est-il possible d'avoir un tel comportement avec sa mère ? Quand bien même cette mère serait incapable de distinguer les jumelles qu'elle a enfantées d'on ne sait de quel père ? Père qui, quel qu'il soit, Strawberry Frosted Donut with Sprinkles, (c) Abbey Ryan 2008saurait-il les distinguer, lui ? Saurait-il dire avec exactitude ce qui différencie ses deux filles, alors qu'elles changent continuellement ? Car elles changent, j'en suis certaine. J'avais noté un grain de beauté sur la joue droite de Maureen. Il est aujourd'hui sur la joue gauche de Caryn. Caryn avait l'habitude de relever sa mèche de cheveux qui tombait inlassablement et de la fixer derrière son oreille gauche. Maureen a maintenant ce réflexe, mais à l'oreille droite. Maureen affectionnait les glazed doughnuts contrairement à Caryn qui les adore à présent. Elles projettent de me rendre folle. Je crois qu'elles complotent avec les meubles aussi. Le fauteuil dans lequel je suis assise par exemple, puisque je lisais quand elles sont venues me demander je ne sais quoi. Ce bon vieux fauteuil qui m'a toujours accueillie avec bienveillance, qui m'a cajolée bien souvent, eh bien, il est avec elles dorénavant : il me fait mal au dos, il se déplace légèrement quand je quitte la pièce et il change de couleur, je ne dis pas qu'il passe du vert au rouge, non, il nuance sa couleur, insidieusement, juste assez pour que je m'en aperçoive, et trop peu pour que je puisse en faire état. J'en oublie la question de ma fille et la réponse qui me vaut ce regard méchant. Elle agite un sac de chez Dunkin sous mon nez. Peut-être me reproche-t-elle de n'avoir pas commandé les doughnuts désirés. Caryn me regarde donc. À moins que ce ne soit Maureen. Peu importe puisqu'elles se tiennent toutes deux face à moi. Celle qui ne me regarde pas fixe ses pieds. C'était Maureen la plus timide auparavant, maintenant je ne suis sûre de rien. La seule chose dont je sois certaine aujourd'hui, c'est qu'elles me méprisent maniaquement. Ma fille abandonne son regard mauvais pour une sorte d'ironie malsaine, j'attends une perfidie, je m'enfonce dans mon fauteuil, celui-ci me repousse doucement mais fermement, il est avec elle vous dis-je.

Elle déclare : « Ton cerveau ressemble à un doughnut : un grand trou au milieu. » Je ne comprends pas où elle veut en venir avec son histoire de doughnut. Alors j'opte pour l'indifférence, ce qui la déçoit. Elle m'annonce : « On a retrouvé Papa. Il habite Manhattan. » Puis elle me dit qu'elles l'ont rencontré il y a six mois, qu'elle le voient régulièrement depuis, qu'il est devenu quelqu'un d'important à Wall Street, qu'il n'a jamais supporté que je lui cache leur naissance, qu'il m'aurait épousée, que nous aurions formé une famille, et qu'il est trop tard maintenant, qu'il ne souhaite plus me revoir, mais qu'il veut voir ses filles.
Elle s'arrête pour contempler l'effet de ses paroles sur mon visage. Plusieurs secondes s'écoulent. Elle paraît satisfaite du résultat. Elle me dit : « Maman, nous avons quinze ans, nous avons le droit de décider, et nous voulons vivre avec lui, il est d'accord. » Mes yeux se remplissent de larmes, je crie : « Tais-toi ! » Je crie non pas parce qu'elles veulent partir, mais parce que je ne sais toujours pas de qui elle parle. Qui est-ce ? Qui est votre père ? J'étais trop grosse et trop moche pour coucher avec qui que ce fût. Comment te le faire comprendre, Caryn ?
À moins que tu ne sois Maureen.
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Illustration: Strawberry Frosted Donut with Sprinkles par Abbey Ryan, (c) Abbey Ryan 2008
Publication simultanée sur Mot Compte Double

dimanche 4 janvier 2009

Je suis un écrivain Sol'Air

J'aime dire que je publie dans des revues littéraires : ça le fait bien. Tout de suite, je sens de l'intérêt, voire de l'admiration, chez mes interlocuteurs. Ils s'imaginent que je suis un écrivain, presque célèbre, que je gagne des sommes indécentes avec mes droits d'auteur. Si seulement...
Qu'on se le dise, les revues littéraires n'ont pas de moyens, elles tirent à très peu d'exemplaires (Brèves, la référence en matière de revue sur la nouvelle ne doit pas dépasser les 2000 exemplaires), et ces revues, bien souvent associatives, se battent contre la Poste afin d'obtenir des tarifs abordables pour leur envois. Elles ne tiennent que par la passion de ceux qui les animent et de trop peu fidèles lecteurs. Dans ces conditions, vous comprendrez bien que les droits d'auteur ne sont pas rétribués.

Pour gagner de l'argent avec des nouvelles, la meilleure option reste les concours. Je vous parlerai aujourd'hui de celui de la revue Sol'Air, puisqu'il permet à la fois de gagner de l'argent et d'être publié en revue.
Sol'Air numéro 35J'ai participé à ce concours à deux reprises, en 2006 et 2007. Pour ma première tentative, j'ai envoyé mon texte court Rebours (que je publierai bientôt sur ce blog), battu par Tempéra de Joël Hamm, il termine néanmoins finaliste et sera publié dans le numéro 35 de la revue. J'y suis d'ailleurs en très bonne compagnie, la crème des nouvellistes concouristes (Emmanuelle Urien, Frédérique Trigodet, Jean-Paul et Christine Lamy, Jean Calbrix, Désirée Boillot, etc.). En toute franchise, je n'ai pas accroché au texte de Joël, du moins dans cette version ; je ne voyais pas où il voulait en venir avec cette histoire. Il a eu la gentillesse de m'envoyer la version longue, une nouvelle, Le sourire de l'ange, et là c'est autre chose. Quand monsieur Hamm parle de l'art, de la fonction de l'artiste, on se régale (lisez Cinabre, autre extrait de cette nouvelle sur Mot Compte Double). J'ai pensé à Temps de chien un autre de ses textes. Je rêve qu'un jour, il nous propose un recueil de nouvelles sur ce thème.

La revue ne publie plus que le recueil consacré au concours. C'est un recueil de bonne facture. On n'est pas obligé d'aimer tous les textes, mais il donne un bon aperçu de la liberté du genre. Il faut soutenir cette revue, notamment en participant à son concours (lien à droite). De plus, sa directrice Laure Ménoreau que je n'ai jamais rencontré mais avec qui j'ai parlé de longues minutes à chaque appel, est une passionnée comme j'ai rarement vu.

Revenons à mes tentatives à ce concours. En 2007, j'ai profité d'un point du règlement, interdisant au gagnant de l'année précédente de participer dans la catégorie. Exit l'ami Hamm, la voie était libre. Alors mon texte court l'inconnu de Phuket a raflé la mise : 150 euros pour rembourser toutes les enveloppes, les timbres, les droits d'inscription, de tous les concours de nouvelles où j'avais échoué auparavant (je reviendrai sur ces concours ainsi que sur mes échecs une autre fois). Bilan financier nul. Mais depuis, je ne dis plus seulement que je publie en revue, je dis aussi que je gagne des prix littéraires, et là, c'est la gloire.
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J'en profite pour féliciter Laurence Marconi qui vient de remporter le prix Sol'Air du texte court 2008.