En octobre, je publiais ici mon pastiche de la Chanson d'automne de Verlaine. Et j'appelais les pasticheurs à continuer les saisons, à terminer le travail inachevé du Prince des poètes. Le résultat va au-delà de mes espérances car au final ce ne sont pas 4 mais 5 saisons chantées en 4+4+3, grâce à l'une des saisons d'Imrie.
Je remercie Magali, Sylvie et Joachim d'avoir répondu à l'appel, et pour vous, voici donc le florilège de Chansons qu'on peut retrouver sur pastiches.net.
Chanson d'automne
Les sanglots longs Des violons De l’automne Blessent mon cœur D’une langueur Monotone.
Tout suffocant Et blême, quand Sonne l’heure, Je me souviens Des jours anciens Et je pleure ;
Et je m’en vais Au vent mauvais Qui m’emporte Deçà, delà, Pareil à la Feuille morte.
Paul Verlaine
Chanson d’hiver
Le linceul blanc D’un hiver lent Abandonne La fleur de givre Au carreau ivre Qui s’étonne.
Auprès du feu Mon ventre creux S’engourdit, Tant pis pour celle Qui fut ma belle, Je l’oublie ;
Et je m’endors Bercé par l’or Des tisons, Quand ils crépitent J’entends la fuite Des saisons.
Sylvie Lainé
Chanson de printemps
Les rires clairs Flottent dans l'air Du printemps Gonflant mon cœur D'une vigueur De vingt ans.
Monte la sève Tandis que rêve Mon amant ; Je me souviens Des jeux anciens Et je mens ;
Et je me sauve À pas de fauve Pourchasser Ici et là Une belle à Embrasser.
Franck Garot
Chanson d’été
Le doux refrain Du slow sans fin De l’été Berçait nos corps De ses accords Répétés.
Tout transpirant Et rouge, quand Il s’achève, J’arrive à prendre Tes lèvres tendres C’est le rêve.
Et nous partons Vers ton futon Pour, tout nus, Danser le feu D’un pas de deux Inconnu.
Magali D.
Chanson d’hirtémone
La pluie dardée De l’embardée D’hirtémone Givre mes dents D’un cri ardent De crémone.
Tout en pêchant Des fleurs le chant De berceuse, Je sens, salin, Un froid vilain De perceuse.
Mon sang laqué, Je suis traqué, Quand s’amorce, En éclatant, Le feu suintant Des écorces.
Noël approche et vous avez sûrement des amis qui jouent au poker. Veinards, voici l’idée de cadeau idéal.
De quoi qu’on parle ? Ça commence comme ça :
Vous avez longé la plage de Barceloneta jusqu’au Gran Casino pour jouer un side event de l’EPT à 1 100 €. Vous êtes Soren, la tête encore emplie des beats de LCD Soundsystem que vous avez vu la veille au Razzmatazz, la mythique salle de concert de Barcelone. Vous avez passé la semaine chez votre frère qui s’est installé dans la capitale catalane depuis quelques années. Les tribulations du groupe new-yorkais raisonnent dans votre crâne comme une promesse non tenue, celle de se préparer sagement avant un grand événement, reposé. Bref... Vous descendez à présent le grand escalier qui mène à l’arène, immense, où le bruit des jetons se mêle aux cris des lutteurs. Vos yeux, une fois habitués aux lumières vives et à la décoration clinquante, se mettent à pétiller. Les pros affluent de toute part. Elky, l’un des plus médiatiques, rôde à proximité. Il accepte gentiment de poser en photo. À 29 ans, vous retrouvez une âme de midinette.
Quittons Barcelone, nous voici quelques semaines plus tard à Vienne :
Décembre glacial à Vienne, un couple descend tranquillement la rue Herrengasse quasi déserte, sans prêter la moindre attention aux palais qui la bordent. Les lampadaires et les décorations de Noël bavent une lumière pisseuse sur des flaques d’eau qui virent doucement à la glace. Elle lui a demandé cette promenade malgré le froid, en sortant du Café Central où ils venaient de dîner malgré les touristes. Quelques pas avant de rejoindre leur hôtel. Ils ne s’enlacent pas, ni même ne se tiennent par la main. Ce couple, c’est Siyah et moi. Nous sommes jeudi, je l’ai rejointe ici aujourd’hui directement de Toulouse. Elle participe à l’étape autrichienne du 3 Länder Poker Tour avant l’EPT de Prague la semaine prochaine. Gwen viendra demain, de Paris, il voulait vérifier si sa Mustang était aussi rapide sur le trajet Toulouse-Paris que Paris-Toulouse. Je n’ai rien pu savoir de la vie de Siyah pendant le dîner. Je ne connais d’elle que ce que j’ai pu glaner sur les sites de poker, rien de plus. En revanche, elle a réussi à me faire parler, elle sait tout : mon ancien boulot de consultant, mon ambition de devenir un joueur pro peut-être un jour, mes histoires de famille, mais surtout, que je suis célibataire. Je profite du calme viennois pour en savoir plus sur ses relations avec le Breton.
Vous venez de lire deux passages de Poker is War, livre que j’ai coécrit avec Yann Le Dréau et Alexis Beuve. Mais ne vous y trompez pas, ce n’est pas un roman ! C’est avant tout un traité de poker, sûrement le plus ambitieux des livres de poker en français. Pour vous en rendre compte lisez plutôt les extraits techniques sur le site de l’éditeur.
Pourquoi moi ? Ce n’est bien sûr pas pour mes compétences pokéristiques que les duettistes m’ont recruté pour ce projet. Ils voulaient que chaque leçon se passe dans un lieu différent, plus ou moins lié au sujet, des personnages qui évolueraient, une intrigue, un dialogue continu. Ils ont pensé que je pourrais les aider, ce que j’ai certes beaucoup fait au début, beaucoup moins sur la fin car les deux compères ont progressé.
Ce fut ma première expérience de coécriture, j’avais déjà corrigé des livres Praxeo (jeu de go, poker...), mais jamais je ne m’étais impliqué ainsi, sur un an. Et le résultat est à la hauteur des ambitions affichées par Yann et Praxeo. Les lecteurs sont ravis (notamment le premier d’entre eux).
Bien entendu chacun a apporté ses connaissances, ses centres d’intérêts, ses expériences, côté musique, dans Poker is War on écoute Satie, LCD Soundsystem, Thin lizzy, pour les lieux on voyage à Istanbul, Penmarc’h, Malte, etc. Écrire à trois permet l’effervescence d’idées qu’il faut ensuite canaliser et ordonner pour publier un livre qui tienne la route. Des discussions interminables, des chapitres à récrire entièrement. Tout ceci est extrêmement enrichissant (je suis incollable sur les opérations Silver et Gold pour avoir visionné pendant des nuits des interviews des protagonistes, je sais à quoi ressemble la gare maritime de Büyükada, qu’un train entre Prague et Vienne peut s’appeler Klimt, Mahler, Dvořák...), mais j’ai dû mettre entre parenthèses d’autres projets, purement littéraires ceux-là. Voilà pourquoi je ne suis pas prêt de recommencer un tel projet.
Deuxième trio Enfin, cette présentation ne serait pas complète si je ne parlais d’Ivan Seisen ! Ivan a illustré l’ouvrage avec de nombreux dessins drôles qui permettent une saine aération. Il a travaillé avec Yann et Alexis ; je ne l’ai rencontré qu’à la soirée de lancement du livre au club Montmartre Hold’em (excellent club, excellent accueil). Un petit exemple du talent d’Ivan avec cet humour de joueur de poker.
Ça sent le sapin ! Le livre vaut 59 euros, fait 608 pages, et en plus d’être bon, il est beau. Alors n’hésitez pas à l’offrir, les joueurs savent déjà que l’investissement est « grave EV+ ». Et ça tombe bien : le 11 décembre 2011, Praxeo investit l’AS Vegas à Paris.
La dream team photographiée par Rodolphe Engel (de g. à d.) : Franck Garot, Yann le Dréau, Alexis Beuve, Ivan Seisen.
Christine Jeanney que l'on peut retrouver sur les 807 et sur son site tentatives, en plus des publications en papier ou en numérique propose chaque jour une liste de quatre choses à faire sur photo offerte, le tout à lire et à regarder sur toto liste. La proposition étant séduisante, je lui ai envoyé deux photos. Voici le résultat (photos de votre serviteur et textes de Christine Jeanney).
toto liste, 73
– penser tout jeter avec les larmes
– danser de joie mais sans danser, parce que pendant qu'on bouge on ne voit pas les flammèches, le bleu fumé, l'orange, la soie de l'orange filée et la braise
– penser des tas de petites bêtes terrorisées, surtout celles qui ne vivent qu'un jour et ne se souviennent pas de Londres
– se dire que dans quelques heures ce sera froid, gris, poussiéreux, intéressant, qu'un détective anglais en tirera des enseignements, saura combien de temps on a dansé de joie sans danser et ce qu'on a jeté, le nombre de larmes exactes qui auront roulé sur les braises, le petit bruit qu'elles auront fait en se recroquevillant, leur fin de vapeur ou de feu d'artifice minuscule
toto liste, 134
– la première chose à faire : compter les branches (plus de 800 mais à peine plus), compter les feuilles visibles (plusieurs centaines et sept unités, forcément)
– cet être hybride sur la pointe des pieds, difficile pour lui de s'orienter, de manipuler sa tête lourde qu'il doit poser au sol pour respirer, puis il produit un cliquetis en forme de respiration ou de soulagement, peut-être cet endroit propice
– sa tête lourde, dans sa tête une boîte noire qu'il comble (car il abhorre le vide) d'arbres à l'envers, de perspectives, de cloches (trois), marrons et cornettes bicolores, bogues écrasées maladroitement, kleenex, capsules, canettes sucrées, sapins déprime, accents anglais, drapeaux germains, foule de pensées non explicites
– le lendemain au même endroit, il n'y est plus (cette espèce migre, furtive)
Ce soir, nous éclairons les coulisses des 807 et annonçons une bonne nouvelle.
Les 807 côté coulisses Je viens de publier mon 100e 807. J'ai profité de ce texte pour parler de cette expérience du point de vue du taulier. Je le reproduis ici. Ceci dit, malgré le titre de ce 807, ça continue, et les propositions sont toujours les bienvenues.
C'était les 807
C'était chaque jour vérifier la messagerie du blog, puis une seconde, voire celle de Facebook, car les contributions venaient de toutes parts. C'était lire, relire, accepter, refuser, corriger, traduire, parfois récrire. C'était répondre à tous, toujours. C'était aussi échanger, donner et recevoir, parler style, règles. C'était découvrir de nouvelles voix, de nouveaux horizons, de nouveaux projets. C'était faire des erreurs, sûrement. Mais c'était aussi rencontrer certaines de ces voix dans le réel, pour un déjeuner, un événement. C'était se dire qu'on ne respirait plus, qu'il fallait arrêter, et on arrêtait, et on recommençait, différemment, certes, mais on recommençait tout de même, et on arrêtait de nouveau, pour mieux recommencer. C'était se demander pourquoi cette addiction, pourquoi perdre un temps précieux parce que rare, se dire néanmoins qu'on continuait d'apprendre. C'était annoncer le programme, les changements, les suspensions faute de propositions, faute de temps. C'était voir les jours passer et le stock diminuer, jusqu'à écrire à la dernière minute pour que le flux continue. C'était retravailler des images pour qu'elles rentrent en 520 de large, trouver un lecteur pour écouter le son. C'était composer de la musique, l'enregistrer. C'était prendre des photos qu'on utiliserait et qu'on n'utilisera jamais. C'était se connecter à l'interface du blog, de la maison, de New York, Londres, Bangkok, Chişinău... C'était corriger après publication des fautes de participe passé qu'on avait oublié voire oubliées, ou régler un problème de programmation, l'objet publié trop tôt ou trop tard. C'était tenter de nouvelles choses, sur le fond, sur la forme, tenter des pastiches comme celui-ci, maquiller des fêlures et les donner à lire, ou au contraire inventer une histoire. C'était publier un livre, puis en préparer un deuxième. C'était envisager une lecture publique. C'était accepter tout le monde, du moment qu'il ait quelque chose à dire, sans aucune discrimination quelle qu'elle soit. C'était rester seul maître à bord, taulier malgré soi, assumer ses choix, ses erreurs. C'était certains jours haïr ce nombre, violemment, le considérer comme un triple six. C'était s'étonner que ça tienne toujours, que ça intéresse encore, ne pas comprendre ce que ça signifie, et se demander jusqu'où ça irait dans l'hypothèse improbable que ce chemin mène quelque part. C'était enfin ne pas savoir comment remercier chacun, participant ou lecteur.
C'était mon 100e.
C'était un pastiche Le texte que vous venez de lire est un pastiche du C'était de mon comparse de pastiches.net, Joachim Séné. Je vous ai déjà parlé de ce projet en janvier : C'était les Glossos. Je ne redirai pas une nouvelle fois le bien que j'en pense, mon pastiche s'en chargera aujourd'hui. Mais il me faut vous annoncer que publie.net (évidemment) a décidé de publier le texte en epub. Vous le trouverez en cliquant sur l'image ou sur ce lien. Et ceux qui n'ont pas encore de liseuse ou de tablette pour lire un fichier epub peuvent se réjouir de l'existence de logiciels tels l'add-on EPUBReader 1.4.1.0 que j'utilise pour Firefox. Bien sûr, depuis mon article de janvier et de la première version du texte en pdf, Joachim a continué l'écriture pour que l'année s'achève et qu'elle recommence, identique à la précédente.
Comme indiqué au lancement, on n'y trouve pas uniquement des pastiches mais aussi des hommages, comme Un peu de ménage, un poème de Guillaume Siaudeau où plane l'ombre de Beckett. Voire un double hommage comme cet objet littéraire étrange qu'est le Métro ivre, où Joachim Séné applique au Bateau ivre de Rimbaud le traitement oulipien que Hervé Le Tellier avait appliqué au Dormeur du val (Le Pasteur des Halles, in Zindien, Le Castor Astral, 2008).
Je vous engage à venir découvrir tous ses hommages ; pour naviguer rien de plus simple, les textes sont accessibles par trois entrées, celle de l'auteur pastiché (liens sur la première page), par pasticheur (en cliquant le nom d'un pasticheur vous avez la liste des autres pasticheurs sur la droite, essayez à partir de la présentation de votre serviteur), enfin les mots clés (notamment le type de texte : pastiche, éloignement, suite).
Et ce matin, nous avons publié mon pastiche de la Chanson d'automne de Verlaine (je sais je suis inconscient). Faut dire que le gars n'avait fait que 25% du boulot, une saison sur quatre ! Il en reste 50% maintenant, alors si l'inspiration vous vient, vos chansons d'été ou d'hiver sont les bienvenues.
Chanson de printemps
Les rires clairs Flottent dans l'air Du printemps Gonflant mon cœur D'une vigueur De vingt ans.
Monte la sève Tandis que rêve Mon amant ; Je me souviens Des jeux anciens Et je mens ;
Et je me sauve À pas de fauve Pourchasser Ici et là Une belle à Embrasser.
Au départ, lors de notre discussion avec Joachim Séné, le talentueux spipiste de Rature.Net, ce ne devait être qu'un site d'agrégation de flux, un peu comme la page Flux de pastiches. Seulement, Joachim Séné, le talentueux huitcentseptiste (69 participations au compteur à date, tout de même), m'avoua apprécier quand je joue au tyran – comprendre : quand je fais le taulier/rédac en chef/correcteur. Alors, c'est devenu plus ambitieux, malgré moi.
Mais de quoi parle-t-on ? On parle de pastiches.net, un nouveau site que Joachim et moi vous proposons dès le 1er septembre. On trouvera quelques éléments à la page À propos de ce site.
Complétons. Les blocs vides l'annoncent, on pourra lire des pastiches de Beckett et Flaubert pour les classiques, de Mauvignier et Chevillard pour les contemporains. Ensuite viendront Baudelaire, NDiaye, Céline. Côté pasticheurs, Proust, évidemment, mais aussi Garnerin, Flipo, Marcotte, vos serviteurs. Listes non exhaustives.
Comme indiqué, on lira de purs pastiches, mais aussi des suites (Moindre), des éloignements (Autofictif, Céline). Seront aussi publiés des articles, interviews, critiques plus ou moins sérieux. Les propositions sont les bienvenues, par exemple, si cela vous dit, des critiques du Degré suprême de la tendresse d'Héléna Marienské, de Et si c'était niais ? de Pascal Fioretto, de Pastiches et mélanges de Marcel Proust, de Pastiches et postiches d'Umberto Eco... N'hésitez pas à soumettre vos pastiches ou articles (adresse : contact at pastiches . net), le pire qui puisse arriver, c'est que le tyran que je suis les refuse.
Pour résumer, ce site dédié au style se veut ludique et sérieux. Et comme le dit en substance (alcoolisée) Joachim Séné, le talentueux facebookiste : Faudra fêter ça. En buvant du pastis et en mangeant des pistaches.
Prochainement je vous parlerai des 807 (encore !?), de Chevillard (ça faisait
longtemps...) et de Poker is War (enfin !).
J'ai commencé cet article il y a quelques mois déjà, laissé en plan, des bouts de paragraphes pas finis, à cause de Poker is War, des 807, et de la vraie vie, surtout. Un article pour répondre à celui de Stéphane Laurent qui traînait parfois sur ce blog, me disait-il. Mais voilà, Stéphane nous a quittés brutalement, son cœur a lâché, un cœur qu'il avait énorme et qu'il tentait de cacher derrière une attitude d'ours mal léché qui ne trompait personne. Triste et révolté, je reprends l'article, en gardant le ton initial, léger. Fin de l'italique. Place à l'humour, puisqu'il s'était payé une tranche de rigolade avec ce livre.
Parlons aujourd'hui d'une collection de guides touristiques déjantés à savoir les guides Jetlag. Vous ne connaissez pas la Molvanie, l'île Takki Tikki, le San Sombrero ou le Bongoswana ? Normal, ces pays n'existent pas. Ce qui n'empêche pas de les découvrir !
Drôle de guide Je n'avais pas entendu parlé de cette collection quand elle a été lancée en France,
ni lu cet article du Monde (je dois préciser que je ne lis jamais Le Monde, et cet article un peu bâclé n'y changera rien).
Je fréquente irrégulièrement le blog de Stéphane Laurent. Rien à voir avec un délaissement, de l'infidélité. C'est juste que Stéphane publie des articles encore moins régulièrement que moi, c'est dire ! Dernièrement, j'ai découvert grâce à lui un objet livresque quelque peu étrange : La Molvanie.
Ce livre hilarant est comme les autres ouvrages de la collection un guide touristique d'un pays imaginaire. Celui-ci, la Molvanie, se trouve en Europe de l'Est. Comme je travaille tous les jours avec des Biélorusses, des Moldaves, des Russes, etc., cela m'a intrigué.
Guide drôle Hergé avait ouvert la voie avec ces pays créés en synthétisant diverses cultures, le couple Syldavie/Bordurie évidemment l'aïeul de la Molvanie. Mais aussi San Theodoros (Amérique du sud), Le Khemed (Moyen-Orient)... Avec à chaque fois la caricature d'une dictature.
Les Australiens des guide Jetlag passent de la caricature en bandes dessinées au guide touristique déjanté. Et ça marche parfaitement. Ils recyclent les clichés éculés, par ordre alphabétique : alcoolisme, autoritarisme, corruption, mafia, pauvreté, paysans attardés, pornographie, prostitution, radioactivité... J'en oublie sûrement.
La 4e de couverture résume assez bien ce qu'on y trouve :
La Molvanie Patrie de la polka et de la coqueluche, la Molvanie est une destination souvent négligée par les touristes, mais grâce à ce guide Jetlag entièrement remis à jour, le visiteur enthousiaste pourra désormais profiter de l'un des secrets les mieux gardés de l'Europe de l'Est. Tout ce que vous devez savoir est dans ce guide :
QUAND S'Y RENDRE Ceux qui voudront éviter les hordes de touristes choisiront la « morte saison » – autrement dit l'hiver ou pendant le Lutenblag Jazz Festival. OÙ SE LOGER Un court trajet en bus, et vous voilà à la Pensjon Prazakuv. Vu de l'extérieur, cet hôtel sans prétention semble minable, vieillot et insalubre. C'est le cas. OÙ SE RESTAURER Le Varji est une pizzeria extra proposant d'intéressantes garnitures : le « suprême d'anchois à la figue », par exemple, à manger ou à vomir à la maison. Livraison gratuite dans un rayon de 100 mètres. À NE PAS MANQUER Différentes activités sont proposées sur le lac : ski nautique, planche à voile, parachute ascensionnel (délicat compromis entre le parapente et le suicide). SÉCURITÉ CRIMINALITÉ Les pickpockets sont présents dans les principales gares. Ne quittez pas vos affaires des yeux. S'il vous manque quelque chose, le mieux est d'aller voir un Guardja Civilje. Il n'est pas impossible qu'il soit l'auteur du larcin.
Vous l'avez compris, on retrouve toutes les rubriques des guides touristiques (histoire, culture, gastronomie, hébergement...). Les pasticheurs n'ont rien oublié. Les illustrations, les cartes, les photos valent le détour. Ainsi, deux photos de la ville de Vajana, la première « Vajana, la Vielle Ville », et la seconde « Vajana, ville nouvelle ». Les deux photos sont identiques, la première en noir et blanc, la seconde en couleur. On apprend aussi que de Molvanie, les cartes postales arrivent plus vite que les mails. Plus tôt, on nous informe de la hausse de la fréquentation d'un lieu touristique proportionnelle à la baisse de sa radioactivité (extraits en anglais sur le site du livre). Voici un autre exemple lorsqu'on nous parle des Tsiganes :
LES TSIGANES Certains pays européens connaissent des difficultés internes liées aux gens du voyage résidant sur leur territoire. La Molvanie s'enorgueillit de ne rien connaître de tel, la majeure partie des gitans ayant été reconduits à la frontière ou incarcérés.
C'est drôle, non ? Ah bon, vous ne trouvez pas ? Pourquoi ?
De qui se moque-t-on ? Ce livre tire à tout-va. On se moque des pays de l'Est, du regard des occidentaux sur ces pays, des touristes, des guides touristiques. Comparant ce livre à Borat, Stéphane Laurent parle de critique du regard occidental, et non la critique des pays. Certes, mais le risque demeure. Un lecteur qui ne connaît que les clichés, confortera son point de vue avec une lecture au premier degré (signalons tout de même que la Moldavie, et non la Molvanie, est la nation qui consomme le plus d'alcool au monde (*)).
C'est le problème immuable de l'humour. Une blague juive est une blague antisémite si elle est dite par un Goy, alors qu'elle devient auto-dérision par un Juif. Il faudrait, pour couper court à une accusation de racisme, sortir un livre identique sur une Australie imaginaire. Je suis certain que cela pourrait être drôle, un pays colonisé par des bagnards et des lapins, les aborigènes rendus alcooliques... oui, il y a matière à se marrer.
Et Flammarion ferait un grand coup en sortant un tel livre inspiré de la France : un pays imaginaire qui reprendrait les clichés du Français veule, fainéant, prétentieux, alcoolique, beauf... Tiens, cela me rappelle Groland. Et là, je rêve d'un guide touristique sur Groland !
Il semblerait que ce livre existe déjà, sorti en 1999, deux ans avant la première édition de la version originale du guide Molvana d'ailleurs : Le Guide du Groland, sous-titré Pays joyeux, accueillant, et lâche écrit par Jules-Édouard Moustic, Michael Keal et Francis Kuntz (Éditions Michel Lafont). Allez, les gars, et si vous ressortiez votre guide dans la collection Jetlag ?
Verdict ? Malgré ce point sur la légitimité, ce guide est très drôle, à la Groland, c'est-à-dire en jonglant entre le gras et la finesse (c'est pas la Finlande, non plus, dirait Moustic). Une amie kazakhe me disait n'avoir pas trouvé amusant Borat car elle avait vécu des situations similaires en vrai. Je ne lui conseillerai donc pas, à elle et à mes amis moldaves, La Molvanie, sans Le Guide du Groland. Et comme on dit au Groland : Banzaï !
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(*) Ce classement est basé sur le dernier rapport de l'OMS qui a largement été repris par la presse. Le top 10 est listé par The Independent.
On me demande des nouvelles des 807. Du genre : à quand la suite ? sous quel format ? La saison 2 sera-t-elle publiée en livre ? t'as pas 807 euros à me filer ? Poker is War fera-t-il 807 pages ? Bon, c'est non aux deux dernières questions.
Le livre de la saison 2 Oui, un livre de la saison 2 est en préparation. C'est même en bonne voie. Ce sera un livre numérique. J'ai fourni un fichier Word à des mains expertes qui en feront un bel eBook. Il me reste juste la préface à écrire et aux mains expertes à régler les derniers problèmes techniques. Je vous tiendrai au courant (c'est une question de jours/semaines).
La fusion Si vous cliquez sur l'image à gauche, vous atterrirez sur la nouvelle mouture du site des 807. J'espère que vous la trouverez à votre goût. Afin de préparer la saison 3, et pour éviter une multiplication des sites 807, j'ai importé toute la saison 2 sur le site initial : http://les807.blogspot.com/. N'hésitez à pricorer parmi les 1 117 délires.
La saison 3 Comme indiqué dans la toute nouvelle page :
Les 807 passent du triptyque au diptyque : deux parties (quelle que soit la combinaison : texte + texte, image + texte, image + son, son + image, etc.), au moins une fois le nombre 807, et un titre. La saison commencera le jour de la publication du livre de la saison 2. Vous pouvez d'ores et déjà envoyer vos propositions.
J'ai déjà reçu du son et du texte : à vous de jouer !
Non, tu n'entends pas avec ce vacarme. Je passe tous les feux au rouge. Voitures, bus, métro, tram, trolley, funiculaire, train, tous à l'arrêt. Laisse-les klaxonner, laisse-les crier, ils finiront par s'en lasser, j'ai tout mon temps, je compte en siècles, pas en secondes comme eux. Ils se lasseront, te dis-je, ils abandonneront leurs engins d'aliénés, et le calme reviendra comme avant.
Tu vois, il a suffi de quelques heures pour leur apprendre la patience. Alors écoute maintenant. N'entends-tu point le bruit de ces tuyaux dans mon ventre ? Ce gargouillis incessant de l'eau, du gaz, de la merde, des ordures, des hommes, crois-tu qu'ils m'aient demandé mon avis avant de creuser mes entrailles ? Écoute mon souffle souffreteux, je meure doucement. Qu'on m'enlève ces tubes !
Écoute-les aussi. Leurs solitudes reliées par un réseau nerveux de fibres électriques qui me picotent sous la peau. Écoute le cliquetis de leurs claviers. Ils se croient libres, ces imbéciles, alors qu'ils sont en manque dès qu'ils perdent leur connexion avec le néant. Allez, je coupe tout. Oui, tu entends leurs hurlements à présent. Ils se rabattront sur les antennes. Fais-moi confiance ce sera de courte durée, le rayonnement des relais cessera lui aussi bientôt.
Et regarde-moi, regarde ce qu'ils ont fait de moi. Des façades couvertes de miroirs pour mieux admirer leurs visages de damnés quand ils se rendent dans leurs bureaux. Quel contraste avec l'Utopie publicitaire affichée partout sur de grands panneaux hideux. Que les miroirs volent en éclats ! Bling ! Admire la laideur des blocs de béton, ils n’aiment pas, s’y retrouvent, ils abhorrent l’introspection. Vois-tu ces avenues tracées au mépris de mon corps ? Un beau quadrillage pour parquer le bétail humain. Ils ont osé scarifier une vieille dame comme moi. Parle-leur de Nous autres, le roman de Zamiatine. Cette bande d'aveugles te moquera. Ils lisent mais ne comprennent rien, ne comprendront jamais, hélas.
Ils ont abattu mes majestueux remparts pour goudronner un boulevard circulaire où l'on circule difficilement, dans la fumée crasse des pots d’échappement, sous les insultes des chauffards. Regarde, la muraille se dresse à nouveau, leurs voitures à dix mètres du sol ! Et je sonne le retour des portes, pas pour l'octroi mais pour filtrer les entrées ; les cuistres n'ont plus droit de cité. Dehors !
Ils ont fermé mes commerces au profit d’un cubisme périphérique, au-delà ma ceinture de bitume, ils font de moi un musée, un parc d’attractions pour zombies, la vie s’échappe, et je meure doucement. Je ne veux pas devenir un souvenir, une nouvelle Babylone.
_____ Texte publié dans le premier numéro de la revue numérique Distortions qui lance un appel à textes pour son deuxième numéro : espace/émotion.
Je ne suis pas mélomane. J'écoute et je joue peu de musique classique pour deux raisons simples : je n'ai pas la culture ni le niveau technique. Satie fait partie des rares exceptions. Bien entendu, notre ville natale commune pourrait nous rapprocher. Mais je ne crois guère aux liens de la terre. Autre chose m'attire.
J'ai entendu parler de l'homme avant de connaître sa musique. J'apprécie particulièrement le personnage pour son humour (tout comme Allais, autre natif de Honfleur) et sa simplicité. Deux points que l'on retrouve dans sa musique. Ajoutons aussi cette probable fêlure de l'âme qui faisait de lui un être à part, juste à côté, une dissonance, comme ses notes hors gamme qu'il affectionne et qui donnent relief et étrangeté à ses compositions.
Je joue maintenant les trois premières Gnossiennes (vous pouvez écoutez mes limites pianistiques sur les 807 : triptyque gnossien). Je n'ai pas le niveau d'un Didier da Silva au piano (1). Je vous parle de lui parce que ce qu'il écrit ici sur Satie vaut pour moi. J'ai découvert les blogs de Didier da Silva (Les idées heureuses et Halte là) dans les liens de l'Autofictif. Puis, sans faire le rapprochement, j'ai lu un de ses textes hilarant sur le rewriting dans la revue Inculte. Évidemment, à l'annonce de la parution de son livre Une petite forme (chez P.O.L) (2), je me suis derechef (3) dirigé vers ma librairie.
Revenons à Satie et à sa musique. Pour la décrire, nous avons déjà parlé d'humour (les titres valent le détour, les annotations aussi), simplicité, dissonances (maîtrisées). Deux autres éléments interviennent : la brièveté (les pièces sont courtes) et la répétition (les phrases sont répétées une fois dans un jeu de découverte/reconnaissance). En fait, je trouve dans la musique de Satie tout ce que je recherche en littérature. Pas étonnant qu'elle m'attire.
Pour moi, jouer Satie demeure une drôle d'expérience, hypnotique. Je peux jouer les Gnossiennes en boucle. Une impression de me trouver chez moi dans sa musique se mêle à l'addiction pure. Il me fallait comprendre comment il fait. Et jouer ne suffit pas. C'est pourquoi j'ai décidé d'écrire à mon tour une Gnossienne, pasticher Satie comme je pastiche NDiaye ou Mauvignier, entre hommage et étude, se rapprocher pour pouvoir s'en détacher. D'où la Gnossienne n° 807 publiée avec cette histoire improbable de partition inédite. J'annonce que la Gnossienne n° 808 est en préparation pour une écoute dans quelques posts sur ce blog.
Je continue donc l'étude de Satie pour progresser dans mon écriture.
Gnossienne n° 807, composée et jouée par Franck Garot (c) DR ____ (1) Encore moins le talent d'un Alexandre Tharaud, dont l'écoute a été un catalyseur et m'a donné l'envie de me plonger dans les Gnossiennes (2) Il sort aussi l'Automne Zéro Neuf chez Léo Scheer (3) Clin d'œil à son article pour la revue Inculte
Vous pouvez lire mon texte Le retour de Babylone dans le premier numéro de la revue Distortions qui paraît en format numérique. J'ai répondu positivement à l'appel d'amies huitcentseptistes en écrivant sur le thème imposé : colères de la ville.
J'ai dédié ce texte court à Joël Hamm tant je l'ai senti derrière moi lorsque je l'ai créé, tant j'ai vu son ombre sur le clavier. Cliquez sur l'image pour accéder à la revue. Je ne sais où va cette revue. Sûrement nulle part comme tout projet artistique, comme mes projets. Et je continue d'écrire, et parfois de composer, parce que même si le voyage mène nulle part, même s'il est parfois dur, voire cruel, il est parsemé de belles rencontres.
J'en profite pour signaler la naissance d'une autre revue, À la dérive qui se définit comme « la revue qui ne sait pas où elle va ». Le thème de son premier numéro : bâtir de beaux monstres. On m'avait aussi sollicité mais n'ai pas trouvé le temps d'écrire, ou composer. Une prochaine fois sûrement.
Les 807 partent dans quelques jours en vacances pour une durée indéterminée. Cela leur permettra de réfléchir s'ils rempilent pour une troisième saison et, dans ce cas, avec quelle formule. Vos propositions de formule sont les bienvenues. Je ne savais pas à quoi m'attendre avec cette deuxième saison, certains ne croyaient pas à la formule du triptyque, d'autres souhaitaient que je leur indique une direction (aphorisme ? micro-nouvelle ?), la liberté c'est un peu déstabilisant au début. Finalement, chacun a apporté avec ses mots : ses doutes, ses angoisses, ses bonheurs, ses jeux ; bref, de la matière vivante. Comme pour la première saison, la richesse de cette aventure vient de la différence des participants.
Je vous rassure tout de suite, le taulier ne va pas s'ennuyer, bien occupé avec Poker is war, une expérience d'écriture à six mains. Et si vous ne pouvez vous passer de nombres, retrouvez le 808 dans le Convoi des glossolales tous les lundis, et maintenant les jeudis aussi.
Enfin, comme cadeau, voici la préface du livre Les 807 (toujours en vente ici). C'est ma première et unique préface à ce jour. Le plus important dans ces lignes, ce sont les remerciements, sincèrement. Je les renouvelle, et les étends aux nouveaux participants et lecteurs. Et comme je vous connais, je devine votre question : la saison 2 sera-t-elle publiée en livre ? La seule réponse que je puisse vous donner aujourd'hui sera laconique et normande : peut-être que oui, peut-être que non.
samedi 27 mars 2010 0 – Préface
Vous tenez entre les mains un livre unique. D’une part par le nombre d’auteurs, une centaine, d’autre part parce qu’il s’agit d’une suite de déclinaisons du nombre 807, drôle d’idée. En d’autres termes, ce livre, c’est n’importe quoi. La suite, logique diront certains – alors que logique, cette entreprise est tout le contraire –, du blog du même nom.
Il me faut donc parler du blog, de sa genèse. Nouveau dans ce monde qu’on appelle la blogosphère, je publie en décembre 2008 un article qui parle de L’Autofictif, le blog d’Éric Chevillard et de celui, fermé depuis, de Xavier Garnerin. Je pose, sans aucun calcul, les bases de ce qui allait devenir les 807. Je relis mon article plusieurs fois les jours suivants (une technique comme une autre pour augmenter le nombre de visites de mon blog) et je me dis que finalement, cette idée des 807, pourquoi pas ? Je contacte deux amateurs de l’œuvre chevillardienne pour leur proposer de tenter l’aventure, Clopine Trouillefou et Xavier Garnerin, puis deux autres, Emmanuelle Urien et François Bon. Ensuite, tout s’enchaîne rapidement, comme une cigarette allumée jetée dans un buisson provençal en plein vent sous un cagnard aoûtien. L’incendie prend, je reçois des dizaines de propositions, en rejette un bon nombre, et nous arrivons, après quelques mois, à 807. Mon seul talent dans cette affaire reste d’avoir été une allumette, un catalyseur. On m’a aussi traité d’animateur, d’éditeur, de génie, de taulier, de malade. Je le concède volontiers, je suis un taulier.
Les 807 constituent surtout une expérience participative inédite, sorte d’atelier d’écriture virtuel où chacun apporte son style, ses thèmes, en se confrontant à la contrainte. D’aucuns parlent d’esprit oulipien, comme si toute écriture à contrainte était oulipienne. La référence est certes flatteuse, mais grandement surestimée. L’Oulipo, c’est de la littérature, les 807, un divertissement vaguement littéraire. Ce qui lie chacun des auteurs, c’est le jeu. Oui, le jeu avant toute chose.
Et Éric Chevillard, dans tout ça ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les 807 ne sont pas qu’un repaire de fans de l’écrivain. Bon nombre de participants ne l’ont pas lu, d’autres m’ont avoué ne pas apprécier ses livres. Bien entendu, il ne faut pas le nier, ce n’est pas une maladie honteuse, certains l’apprécient beaucoup (j’ai déjà donné quatre noms). En ce qui me concerne, je suis partagé entre l’admiration et la totale incompréhension.
Quant à Éric Chevillard, je ne l’ai nullement concerté, n’ai pas demandé d’autorisation et ai pompé sans scrupules quelques-uns de ses aphorismes pour les 807. On m’a dit que ça le faisait marrer. Puis, ne pouvant nier qu’il était au courant je lui ai proposé via une intermédiaire de charme de terminer l’expérience, et je le remercie une nouvelle fois pour ce 807e 807.
J’anticipe votre lecture du 806e : merci aux participants, merci aux lecteurs. Et merci à Xavier Garnerin pour le boulot que représente cette version papier.
~ franck garot
Merci à Estelle Ogier pour la photo. Retrouvez ses triptyques sur Espace childfree.
Je suis actuellement dans l'écriture d'un livre ambitieux (taille, forme et contenu) avec deux comparses ce qui réduit considérablement mon temps de cerveau disponible pour mes autres projets. Mes deux seules récréations littéraires sont les 807 (que je compte suspendre prochainement) et depuis peu, le convoi des glossolales.
Drôle de convoi Ce blog collaboratif a pour taulier un dénommé Anthony Poiraudeau qui chaque jour agrège des paragraphes (un par auteur) reçus la veille et publie le tout sans ordre particulier, sans lien non plus. La seule contrainte pour ceux qui le souhaitent étant de se tenir à une fréquence. Les auteurs ne se connaissent pas forcément, ni ne savent ce que les autres envoient. De la juxtaposition des paragraphes naît un grand n'importe quoi, une poésie inédite. Peut-être ne connaissez-vous pas le sens du mot glossolale (n'ayez pas honte, c'était mon cas). Il n'y a guère que Claro pour utiliser glossolalie (lu dans CosmoZ, un clin d'œil ?). Le Trésor de la Langue Française informatisé parle d'un don surnaturel de parler spontanément une langue étrangère (chez les premiers chrétiens) ou encore d'une langue inintelligible que parlent les mystiques en début d'extase ensuite concernant une expérience de glossolalie : les vrais chrétiens et les poètes trouvent presque fatalement l'expression rythmée, poétique. Je parlais de n'importe quoi et de poésie... Enfin, d'un point de vue médical : Langage imaginaire de certains aliénés, fait d'onomatopées dont la relative fixité au point de vue de la syntaxe et du vocabulaire permet la compréhension dans une certaine mesure. Bref, un truc de malades, donc parfait pour moi.
J'ai donc décidé de rejoindre ce convoi fol et envoie chaque lundi un paragraphe le plus souvent écrit le matin même dans le tramway sur le téléphone mûre en anglais prêté par mon entreprise. J'ai ajouté comme contraintes d'écriture que chaque paragraphe comporte le nombre 808, commence par un prénom (par ordre alphabétique) et que les personnages se retrouvent tous dans la rue pour un événement à définir. Je ne sais pas comment travaillent les autres. En ce qui me concerne, je n'ai pas de paragraphe d'avance, et n'ai qu'une vague idée pour la dernière contribution. Je rassemblerai le résultat sur Vers minuit. Je reproduis en avant-première le paragraphe livré aujourd'hui, en ligne demain (ne le dites pas à Anthony, il n'est pas au courant) :
Gwen se réveille dans un lit qui n'est pas le sien auprès d'une femme qu'il connaît depuis quelques heures à peine. Enfin, il ne connaît d'elle que ses lèvres, sa chaleur et ses rondeurs. Il n'en souhaite pas davantage. Il se souvient d'une partie de cash game la veille où il a encore plumé des fishs (devrait-il dire écaillé ?). Pas besoin de mémoire pour savoir la suite, l'éternel triptyque de ses nuits rythmées au blues : bar, club, hôtel. Une soirée que son banquier comptabilisera à 808 euros, rien en regard de ses gains. Il se lève, ramasse ses vêtements dispersés dans la suite nuptiale. C'est en voyant le nom de l'hôtel en sortant, Hôtel Azur, que lui revient son programme des trois prochains jours : il s'envole aujourd'hui pour Malte où il assistera à une conférence et en profitera pour continuer la formation de poker qu'il dispense à ce jeune Alex, ou Soren, à moins qu'il ne s'appelle Romain ou Clovis. Il lui faut héler un taxi. Justement en voici un qui passe devant lui et stoppe à l'arrêt de bus proche. Il a entr'aperçu le visage dévasté du client. Le blues toujours. Passons maintenant à la Grande Bleue.
Bien entendu, ce Gwen existe. Il sort directement du livre en cours d'écriture. C'est un bonus, une scène coupée au montage à situer, sauf changement, entre les chapitres 5 et 6 de Poker is war (éditions Praxeo). Quant au client du taxi, c'est le Benoît du 29 novembre 2010, l'écriture sans plan n'empêche pas le tressage narratif.
C'était Joachim Séné que vous avez pu lire sur ce blog lors de mon unique participation à ce jour aux Vases communicants a lui aussi rejoint le convoi depuis quelques mois. Il a décidé de participer chaque jour ouvré et ses contributions commencent toutes par C'était. Voici les 5 premiers paragraphes qui représentent la première semaine :
C'était subir chaque matin la stridance du radio-réveil, l'appel au levé, au garde-à-vous et avoir, à ce moment, depuis son lit, la vision du bureau, là-bas, et du temps à y passer, assis, tête baissée vers l'écran.
C'était d'arriver le matin pour trier les mails, passer du temps, classer en listes. Jusqu'à la première sonnerie du téléphone, ou jusqu'au premier mail urgent.
C'était lancer une blague, potache, à travers l'openspace, et dépressuriser d'un coup tout le bureau, pendant cinq minutes, avant que l'entrechoc plastique et liquide des claviers ne reprenne.
C'était mettre le casque pour visionner une vidéo tout juste reçue par mail, et ne pas rire trop fort. La faire suivre, éventuellement, choisir à qui.
C'était, au début, répondre au téléphone de son voisin parti en pause, en réunion ou aux toilettes, se lever pour aller le trouver, finalement prendre un message et puis, avec le temps, laisser sonner, laisser sonner et s'énerver car si ça ne répond pas pourquoi laisser sonner dix fois ? Finalement, épuisé de ça, décrocher, battu.
J'aime beaucoup. Nous sommes loin de la froideur et des névroses houellebecquiennes de L'Extension du domaine de la lutte. Nous sommes plutôt dans la description du monde du travail que je connais, sans cliché, et avec malgré tout une empathie que je trouve nécessaire pour aborder ce sujet. Sortir du méchant chef et de la gentille victime exploitée, pour analyser les relations entre les collègues. Je me retrouve beaucoup dans la prose de Joachim, comme quand le narrateur dit apprécier de travailler quand le bureau est désert, de déjeuner seul avec un livre, etc. C'était c'est moi ! Vous trouverez rassemblées les contributions 2010 de Joachim sur son site/blog sous divers formats. Cela vous donnera peut-être envie de lire ses œuvres chez publie.net, notamment La Crise et Sans. Je n'ai pas encore décidé ce qui arrivera à mon personnage de la lettre J, je sais déjà qu'il se prénommera Joachim.
Vous trouverez sur ce blog des informations inestimables sur mon exceptionnelle carrière littéraire. Et pour appâter le chaland, quelques nouvelles et textes courts, inédits ou déjà publiés en revue ou sur des blogs littéraires amis. As I'm famous worldwide, I've also published a selection of texts in English. Les publications sont irrégulières mais avec une forte tendance pour le dimanche vers minuit. Bien entendu, tous droits réservés. Bonne lecture ! Franck Garot