lundi 3 janvier 2011

C'était les Glossos

Je suis actuellement dans l'écriture d'un livre ambitieux (taille, forme et contenu) avec deux comparses ce qui réduit considérablement mon temps de cerveau disponible pour mes autres projets. Mes deux seules récréations littéraires sont les 807 (que je compte suspendre prochainement) et depuis peu, le convoi des glossolales.

Drôle de convoi
Ce blog collaboratif a pour taulier un dénommé Anthony Poiraudeau qui chaque jour agrège des paragraphes (un par auteur) reçus la veille et publie le tout sans ordre particulier, sans lien non plus. La seule contrainte pour ceux qui le souhaitent étant de se tenir à une fréquence. Les auteurs ne se connaissent pas forcément, ni ne savent ce que les autres envoient. De la juxtaposition des paragraphes naît un grand n'importe quoi, une poésie inédite.
Peut-être ne connaissez-vous pas le sens du mot glossolale (n'ayez pas honte, c'était mon cas). Il n'y a guère que Claro pour utiliser glossolalie (lu dans CosmoZ, un clin d'œil ?). Le Trésor de la Langue Française informatisé parle d'un don surnaturel de parler spontanément une langue étrangère (chez les premiers chrétiens) ou encore d'une langue inintelligible que parlent les mystiques en début d'extase ensuite concernant une expérience de glossolalie : les vrais chrétiens et les poètes trouvent presque fatalement l'expression rythmée, poétique. Je parlais de n'importe quoi et de poésie... Enfin, d'un point de vue médical : Langage imaginaire de certains aliénés, fait d'onomatopées dont la relative fixité au point de vue de la syntaxe et du vocabulaire permet la compréhension dans une certaine mesure. Bref, un truc de malades, donc parfait pour moi.

J'ai donc décidé de rejoindre ce convoi fol et envoie chaque lundi un paragraphe le plus souvent écrit le matin même dans le tramway sur le téléphone mûre en anglais prêté par mon entreprise. J'ai ajouté comme contraintes d'écriture que chaque paragraphe comporte le nombre 808, commence par un prénom (par ordre alphabétique) et que les personnages se retrouvent tous dans la rue pour un événement à définir. Je ne sais pas comment travaillent les autres. En ce qui me concerne, je n'ai pas de paragraphe d'avance, et n'ai qu'une vague idée pour la dernière contribution.
Je rassemblerai le résultat sur Vers minuit. Je reproduis en avant-première le paragraphe livré aujourd'hui, en ligne demain (ne le dites pas à Anthony, il n'est pas au courant) :
Gwen se réveille dans un lit qui n'est pas le sien auprès d'une femme qu'il connaît depuis quelques heures à peine. Enfin, il ne connaît d'elle que ses lèvres, sa chaleur et ses rondeurs. Il n'en souhaite pas davantage. Il se souvient d'une partie de cash game la veille où il a encore plumé des fishs (devrait-il dire écaillé ?). Pas besoin de mémoire pour savoir la suite, l'éternel triptyque de ses nuits rythmées au blues : bar, club, hôtel. Une soirée que son banquier comptabilisera à 808 euros, rien en regard de ses gains. Il se lève, ramasse ses vêtements dispersés dans la suite nuptiale. C'est en voyant le nom de l'hôtel en sortant, Hôtel Azur, que lui revient son programme des trois prochains jours : il s'envole aujourd'hui pour Malte où il assistera à une conférence et en profitera pour continuer la formation de poker qu'il dispense à ce jeune Alex, ou Soren, à moins qu'il ne s'appelle Romain ou Clovis. Il lui faut héler un taxi. Justement en voici un qui passe devant lui et stoppe à l'arrêt de bus proche. Il a entr'aperçu le visage dévasté du client. Le blues toujours. Passons maintenant à la Grande Bleue.

Bien entendu, ce Gwen existe. Il sort directement du livre en cours d'écriture. C'est un bonus, une scène coupée au montage à situer, sauf changement, entre les chapitres 5 et 6 de Poker is war (éditions Praxeo). Quant au client du taxi, c'est le Benoît du 29 novembre 2010, l'écriture sans plan n'empêche pas le tressage narratif.


C'était
C'était de Joachim SénéJoachim Séné que vous avez pu lire sur ce blog lors de mon unique participation à ce jour aux Vases communicants a lui aussi rejoint le convoi depuis quelques mois. Il a décidé de participer chaque jour ouvré et ses contributions commencent toutes par C'était. Voici les 5 premiers paragraphes qui représentent la première semaine :
C'était subir chaque matin la stridance du radio-réveil, l'appel au levé, au garde-à-vous et avoir, à ce moment, depuis son lit, la vision du bureau, là-bas, et du temps à y passer, assis, tête baissée vers l'écran.

C'était d'arriver le matin pour trier les mails, passer du temps, classer en listes. Jusqu'à la première sonnerie du téléphone, ou jusqu'au premier mail urgent.

C'était lancer une blague, potache, à travers l'openspace, et dépressuriser d'un coup tout le bureau, pendant cinq minutes, avant que l'entrechoc plastique et liquide des claviers ne reprenne.

C'était mettre le casque pour visionner une vidéo tout juste reçue par mail, et ne pas rire trop fort. La faire suivre, éventuellement, choisir à qui.

C'était, au début, répondre au téléphone de son voisin parti en pause, en réunion ou aux toilettes, se lever pour aller le trouver, finalement prendre un message et puis, avec le temps, laisser sonner, laisser sonner et s'énerver car si ça ne répond pas pourquoi laisser sonner dix fois ? Finalement, épuisé de ça, décrocher, battu.

J'aime beaucoup. Nous sommes loin de la froideur et des névroses houellebecquiennes de L'Extension du domaine de la lutte. Nous sommes plutôt dans la description du monde du travail que je connais, sans cliché, et avec malgré tout une empathie que je trouve nécessaire pour aborder ce sujet. Sortir du méchant chef et de la gentille victime exploitée, pour analyser les relations entre les collègues. Je me retrouve beaucoup dans la prose de Joachim, comme quand le narrateur dit apprécier de travailler quand le bureau est désert, de déjeuner seul avec un livre, etc. C'était c'est moi !
Vous trouverez rassemblées les contributions 2010 de Joachim sur son site/blog sous divers formats. Cela vous donnera peut-être envie de lire ses œuvres chez publie.net, notamment La Crise et Sans. Je n'ai pas encore décidé ce qui arrivera à mon personnage de la lettre J, je sais déjà qu'il se prénommera Joachim.

2 commentaires:

Manu Causse a dit…

Ne va pas y voir une éhontée autopromotion, mais un projet musical d'Emmanuelle Urien, au début de ce myspace,

http://www.myspace.com/lecturesmusicales

porte justement le nom de Glossosalies... pff et repff, les grands esprits et tout ce genre de.

bises

manu

fg a dit…

Aucun problème, Manu : autopromeus, autopromeus !

Tu et elle êtes toujours les bienvenus ici.