dimanche 21 décembre 2008

De Xavier Chevillard et d'Éric Garnerin

Je fréquente deux blogs singuliers. Ils se ressemblent néanmoins dans leur volonté d'exclure l'échange avec le lecteur : impossible d'y laisser un commentaire. On peut échafauder des hypothèses, les auteurs préfèrent éviter les commentaires qui nuiraient à l'image de leur blog soit parce qu'ils seraient de piètre qualité soit, au contraire, plus pertinents que leurs contributions. Autre hypothèse, un excès de modestie supposant qu'il n'y aura pas de commentaire. Ou alors, tout simplement, peut-être que les auteurs s'en foutent-ils méchamment. Ces deux diaristes sont Éric Chevillard et Xavier Garnerin.

Les 807
Le 18 septembre 2007, Éric Chevillard ouvre son blog l'Autofictif avec ces deux phrases : « J'ai compté 807 brins d'herbe, puis je me suis arrêté. La pelouse était vaste encore. » L'auteur démontre avec cet aphorisme que tout projet de comptage s'avère épuisant et vain (compter les brins d'herbe, les fleurs, les juifs, les sans-papiers, les imbéciles, etc.). Déclinons sa proposition à l'infini : « J'ai rempli 807 seaux, puis je me suis arrêté. La mer était vaste encore. » ; « J'ai lu 807 livres, puis je me suis arrêté. La bibliothèque était vaste encore. » ; etc.
On pourrait même créer un blog, qu'on nommerait « les 807 », et chaque jour, publier une nouvelle proposition : « J'ai versé 807 larmes, puis je me suis arrêté. Ma peine était grande encore. » ; « J'ai tué 807 hommes, puis je me suis arrêté. L'humanité était nombreuse encore. »
Et puis, chaque phrase de l'Autofictif donnerait naissance à un nouveau blog. Alors la pensée d'Éric Chevillard se diffuserait dans « le deuxième monde que constitue aujourd'hui Internet » comme il le dit, tel un cancer, la nébuleuse du Crabe. Il n'en oublie pas moins le premier monde car l'Autofictif sort en livre le 20 janvier 2009, chez l'Arbre vengeur.

Les pommes
Xavier Garnerin, quant à lui, définit son projet ainsi :
Je défends ce que j'appelle la « littérature du vide », c'est-à-dire celle qui se passe aisément d'intrigue, de personnages, de décor et de tout le foutras. J'ai commencé à écrire parce que je n'arrivais plus à lire l'éternelle redite, et que mes auteurs favoris publient peu.
On n'y trouve pas autant d'aphorismes que chez Chevillard, j'ai noté celui du 9 mars 2008 : « Bien des pommes tombées se sont passées de savants. »
Son blog est un espace de liberté littéraire, où il tente diverses expériences, comme celle de publier un roman par morceaux, en partant de la fin, à rebours donc. Je suis un mauvais lecteur, je n'ai pas la culture littéraire qu'il faudrait pour être un écrivain ou un critique crédible. Mais je pense que le seul objectif la littérature, c'est de nous donner à réfléchir. Chevillard et Garnerin, tout comme Beckett avec lequel je leur trouve un air de famille, possèdent aussi la faculté de se foutre gentiment de notre gueule (piochez au hasard dans leur blog, vous verrez), ce qui n'est finalement qu'un moyen d'arriver à l'objectif premier.
Xavier Garnerin nous dira peut-être si Éric Chevillard fait partie de ses auteurs favoris, en attendant on peut lire son pastiche Pour Éric Chevillard dans le premier numéro de la revue Vert Pastiche (le quatrième numéro vient de sortir).

Finissons par un aphorisme : « J'ai ramassé 807 pommes, puis je me suis arrêté. Il me restait du calva encore. »
________
Éric Chevillard, L'Autofictif, l'Arbre Vengeur, 256 pages, 15 euros
Xavier Garnerin,
Pour Éric Chevillard, in Vert Pastiche n°1, 48 pages, 15 euros (3 numéros)

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Joyeux Noël Franck !

fg a dit…

Merci Valérie. Bonnes fêtes à toi aussi. Je serai de retour le 4 janvier, à bientôt.

Anonyme a dit…

Début 2008 Éric Chevillard avait expliqué au Magazine Littéraire pourquoi il n'avait pas souhaité offrir la possibilité d'émettre des commentaires sur L'Autofictif :

ML : Vous avez désactivé les commentaires de votre blog. Pourquoi ?

EC : L’Autofictif n’est pas un blog participatif, je n’y propose pas de débattre. Je donne à lire ces fragments avant tout aux amateurs de mes livres. Je ne veux pas y passer davantage de temps et me sentir une responsabilité envers les lecteurs qui interviendraient. C’est plutôt "qui m’aime me suive", je l’avoue.

fg a dit…

Merci monsieur Théo pour la précision. J'avais en effet vu ce commentaire chez Clopine après la publication de mon billet.

1001nuits a dit…

Ca me rappelle l'apolologie de Jean-Pierre Barnard de mon ami Gaston-Norbert Ubrab.

fg a dit…

Merci pour le lien du barbu.