vendredi 17 septembre 2010

Copier/coller

Ce soir, abordons le sujet du copier/coller. Parce que, je l'avoue, je suis comme Houellebecq !


L'affaire Houellebecq
La Carte et le territoire de Michel HouellebecqJe ne suis pas un grand admirateur de Michel Houellebecq. J'avais apprécié Extension du domaine de la lutte, j'avais beaucoup aimé Les Particules élémentaires, mais j'ai séché sur le reste. D'ailleurs La Possibilité d'une île prend la poussière dans ma bibliothèque, je ne l'ai pas encore ouvert.

Ceci dit, je trouve cette accusation de plagiat proprement ridicule (l'auteur a utilisé des articles de Wikipedia (tiens, pas de lien, ils ont eu assez de publicité) et d'autres sources dans son roman, La Carte et le territoire). Après nous avoir bassinés avec « la rentrée littéraire », le nombre de romans, les chiffres de vente, il fallait un scandale à la hauteur de celui, tout aussi ridicule, concernant Marie NDiaye l'année dernière (pour mémoire un écrivain qui obtient le prix Goncourt, n'aurait pas le droit de critiquer son pays, ses propos fussent-ils antérieurs à l'obtention dudit prix).

Les écrivains sont des éponges. Ils absorbent quantité de mots (un dialogue dans un bus, une affiche, une scène d'un film, etc.), les digèrent, et créent des fictions. Les emprunts de Houellebecq (il les appelle à juste titre des matériaux) sont indéniables. So what? Ce n'est pas exactement du copier/coller, car il a retravaillé les passages pour qu'ils s'intègrent dans son roman. Il n'a fait que son boulot, trouver des mots et les mettre ensemble.

Le problème de cette histoire, c'est qu'elle monopolise l'attention des médias. C'est quand qu'on parle littérature ?


Coming out
Autant prévenir tout de suite les journalistes, dans l'hypothèse où je publierais un jour un livre goncourisable, je pratique aussi le copier/coller. Et comme mon ego surclasse largement celui de Houellebecq, que je considère ma prose comme excellente, je me copie mes propres écrits ! Voici les preuves à charge...

Dans une de mes premières nouvelles écrite en 2004, Rève malgache publiée dans la revue Méfaits et Gestes n°3 en janvier 2007, on peut lire :

(...) À l’époque où il travaillait encore, il prenait ce tramway chaque jour et, quand la saison le lui permettait, il pouvait admirer un panorama que n’auraient pas renié Monet et Boudin ; un ciel d’estuaire, quoique moins changeant, avec des camaïeux de rose et de bleu, et une lumière rasante donnant des reflets cuivrés aux nuages. Il calait même parfois son horaire de travail sur celui du soleil pour en profiter davantage. Les autres usagers avaient le nez dans leur journal gratuit ou leur roman payant ; ils étaient peu nombreux comme lui à observer les changements de saison dans le ciel parisien. (...)

Le 28 juin 2009, sur ce même blog, je publie une Jivaro :

Impressionniste

Le train de banlieue le menait tranquillement vers la capitale. La peinture achetée la veille dans son sac, il portait son regard sur la ville qui s’approchait.
Il était tôt. Il pouvait admirer un panorama que n’auraient pas renié Monet et Boudin, ses références ; un ciel d’estuaire, quoique moins changeant, avec des camaïeux de rose et de bleu, et une lumière rasante donnant des reflets cuivrés aux nuages de ce ciel parisien.
Il descendit du train, il longea les voies jusqu’au tunnel. Il sortit les bombes de son sac et commença à tagguer son nom : MoneZ.

Édifiant, non ? Enfin, sans aucune honte j'aggrave mon cas en formant un triptyque avec le même passage pour la saison 2 des 807,. Voyez ce numéro 47 du 7 mars 2010 :

L'âme sur la toile

« Un ciel d’estuaire, avec des camaïeux de rose et de bleu, et une lumière rasante donnant des reflets cuivrés aux nuages... » le guide continue sa description du tableau tandis qu'une larme coule sur la joue de l'aveugle.

Dubuffet ? des gribouillis ; Monet ? des taches de couleur ; Pollock ? des pâtés de peinture ; Picasso ? des visages qui ne ressemblent à rien ; Warhol ? de mauvaises photocopies... Vous voulez que je vous parle des 807 peintures vues au MoMA ? Inutile. Celles de mon fils les surpassent toutes. Et il n'est qu'en petite section !

« J'ai voulu la peindre avec les couleurs de son âme », seront les seuls mots de l'accusé, professeur aux Beaux-Arts, pendant son procès pour expliquer son geste : l'assassinat de sa voisine et le découpage de sa boîte crânienne avec une scie égoïne.

Si avec un tel scandale je n'obtiens pas le Goncourt ! Sérieusement, pourquoi ces copier/coller ? Simplement parce j'ai trouvé ma nouvelle Rève malgache devenue Poussière rouge finalement un peu faiblarde et ai décidé de la jeter. Je l'ai auparavant dépecée de deux passages intéressants, celui-ci pour la nouvelle de 100 mots, et un autre qui a intégré un livre sur les doughnuts en préparation. Quand j'ai voulu écrire un triptyque sur la peinture après une visite du MoMA en janvier dernier, j'ai aussitôt pensé à la mini-nouvelle. Je trouve assez amusante cette réutilisation du passage, où il prend une dimension différente à chaque fois.

Quatre carnages et un enterrement de Françoise GuérinSi l'inspiration vous titille, n'hésitez pas reprendre ce passage pour écrire un texte (je promets de ne pas réclamer de droits, ni de procès). Un peu à la manière de Francoise Guérin qui propose dans son livre Quatre carnages et un enterrement des pistes d'écriture à partir de ses propres nouvelles. Je conseille fortement ce livre (chez D'un Noir Si Bleu, éditeur toujours aussi excellent) à tous les apprentis nouvellistes, aux animateurs d'ateliers d'écriture, aux profs et aux amateurs de récits courts et percutants. Car, précisions-le, les nouvelles de Françoise sont excellentes, ce qui ne gâche rien.

3 commentaires:

M agali a dit…

Il y a eu la série des cathédrales de Rouen de Monet, il y aura les ciels d'estuaire de Garot, la roue tourne, tu vas voir, Franck...

Pour Marie N et Monsieur H je vois mal pourquoi en parler quand ils font déparler pour qu'on parle d'eux encore plus. Ignorer est plus efficace, comme devant les caprices d'un enfant gâté.

Mais puisque le sujet est ouvert je dirais que malheureusement le vrai scandale existe, mais il n'est JAMAIS celui qui s'étale dans les journaux.

Il est intéressant dans le cas de Marie N que personne ou presque n'ait dénoncé l'attribution d'un Goncourt du ROMAN à un livre qui présente trois NOUVELLES indépendantes juste posées à la suite l'une de l'autre et faussement cousues de fil blanc.
La présentation de ces trois récits comme s'ils faisaient un tout est une manoeuvre destinée 1) à faire passer pour un roman ce qui n'en est pas un car seul le roman est reconnu par un Goncourt qui rapporte (celui de la nouvelle existe, mais tout le monde s'en fiche) et 2) à dissimuler que ces trois récits pas mal touillés ont le grave défaut de ne pas être amenés à maturité (le premier semble un roman que l'auteur n'aurait pas eu envie de continuer ou pas eu d'idée pour terminer, le second idem et le troisième brasse du cliché exotico-bonne conscience le plus éculé et gnagnan) Bref, il s'agit de fonds de tiroirs joliment arrangés, et même si les restes d'un repas préparé par Bocuse doivent être encore très délectables le lendemain, ils ne valent peut-être pas qu'on le change d'étoile au Michelin.

fg a dit…

Tu as absolument raison.

Est-ce que Trois femmes puissantes est le meilleur livre de NDiaye ? Non.
Est-ce que Trois femmes puissantes est le meilleur livre de 2009 ? Non.
Est-ce que Trois femmes puissantes est un roman ? Non.

Après Romain Gary qui gagne deux fois le Goncourt, NDiaye le gagne avec un recueil de nouvelles.

JS a dit…

Magali, mon dieu, ce n'est pas un roman, ciel. Hors-catégorie ! Huez, huez !

Souvenez-vous de Quignard aussi: honte !

Je n'ai aucune sympathie esthétique pour l'académie Goncourt. C'est un prix subjectif, comme tous les prix, du concours de nouvelles au prix Nobel. Parfois la récompense va à un livre subversif, dont la langue ouvre, renouvelle une vision du monde. Parfois le livre récompensé est réactionnaire, ferme la vision sur le monde, ne multiplie rien.

Bref, on s'en fout. Soyons plutôt heureux que la catégorie (bien que je catégorise Trois Femmes Puissantes ni dans roman, ni dans nouvelles) soit souple et, ce faisant, ouvre quelque chose sur le monde, auquel on ne s'attend pas toujours, venant d'une "académie".

Et si j'avais des "fonds de tiroir" comme Trois Femmes Puissantes, sans doute que je dirais moins de conneries dans les commentaires des blogs.

Bien à vous,
J.