mercredi 31 août 2011

pastiches.net : c'est parti !

Au départ, lors de notre discussion avec Joachim Séné, le talentueux spipiste de Rature.Net, ce ne devait être qu'un site d'agrégation de flux, un peu comme la page Flux de pastiches. Seulement, Joachim Séné, le talentueux huitcentseptiste (69 participations au compteur à date, tout de même), m'avoua apprécier quand je joue au tyran – comprendre : quand je fais le taulier/rédac en chef/correcteur. Alors, c'est devenu plus ambitieux, malgré moi.

Mais de quoi parle-t-on ?
On parle de pastiches.net, un nouveau site que Joachim et moi vous proposons dès le 1er septembre. On trouvera quelques éléments à la page À propos de ce site.

pastiches.netComplétons. Les blocs vides l'annoncent, on pourra lire des pastiches de Beckett et Flaubert pour les classiques, de Mauvignier et Chevillard pour les contemporains. Ensuite viendront Baudelaire, NDiaye, Céline. Côté pasticheurs, Proust, évidemment, mais aussi Garnerin, Flipo, Marcotte, vos serviteurs. Listes non exhaustives.

Comme indiqué, on lira de purs pastiches, mais aussi des suites (Moindre), des éloignements (Autofictif, Céline). Seront aussi publiés des articles, interviews, critiques plus ou moins sérieux. Les propositions sont les bienvenues, par exemple, si cela vous dit, des critiques du Degré suprême de la tendresse d'Héléna Marienské, de Et si c'était niais ? de Pascal Fioretto, de Pastiches et mélanges de Marcel Proust, de Pastiches et postiches d'Umberto Eco... N'hésitez pas à soumettre vos pastiches ou articles (adresse : contact at pastiches . net), le pire qui puisse arriver, c'est que le tyran que je suis les refuse.

Pour résumer, ce site dédié au style se veut ludique et sérieux. Et comme le dit en substance (alcoolisée) Joachim Séné, le talentueux facebookiste : Faudra fêter ça. En buvant du pastis et en mangeant des pistaches.


Prochainement je vous parlerai des 807 (encore !?), de Chevillard (ça faisait
longtemps...) et de Poker is War (enfin !).

lundi 29 août 2011

Le Groland moldave

J'ai commencé cet article il y a quelques mois déjà, laissé en plan, des bouts de paragraphes pas finis, à cause de Poker is War, des 807, et de la vraie vie, surtout. Un article pour répondre à celui de Stéphane Laurent qui traînait parfois sur ce blog, me disait-il. Mais voilà, Stéphane nous a quittés brutalement, son cœur a lâché, un cœur qu'il avait énorme et qu'il tentait de cacher derrière une attitude d'ours mal léché qui ne trompait personne. Triste et révolté, je reprends l'article, en gardant le ton initial, léger. Fin de l'italique. Place à l'humour, puisqu'il s'était payé une tranche de rigolade avec ce livre.

Parlons aujourd'hui d'une collection de guides touristiques déjantés à savoir les guides Jetlag. Vous ne connaissez pas la Molvanie, l'île Takki Tikki, le San Sombrero ou le Bongoswana ? Normal, ces pays n'existent pas. Ce qui n'empêche pas de les découvrir !


Drôle de guide
Je n'avais pas entendu parlé de cette collection quand elle a été lancée en France,
ni lu cet article du Monde (je dois préciser que je ne lis jamais Le Monde, et cet article un peu bâclé n'y changera rien).

Je fréquente irrégulièrement le blog de Stéphane Laurent. Rien à voir avec un délaissement, de l'infidélité. C'est juste que Stéphane publie des articles encore moins régulièrement que moi, c'est dire ! Dernièrement, j'ai découvert grâce à lui un objet livresque quelque peu étrange : La Molvanie.

Ce livre hilarant est comme les autres ouvrages de la collection un guide touristique d'un pays imaginaire. Celui-ci, la Molvanie, se trouve en Europe de l'Est. Comme je travaille tous les jours avec des Biélorusses, des Moldaves, des Russes, etc., cela m'a intrigué.


Guide drôle
La MolvanieHergé avait ouvert la voie avec ces pays créés en synthétisant diverses cultures, le couple Syldavie/Bordurie évidemment l'aïeul de la Molvanie. Mais aussi San Theodoros (Amérique du sud), Le Khemed (Moyen-Orient)... Avec à chaque fois la caricature d'une dictature.

Les Australiens des guide Jetlag passent de la caricature en bandes dessinées au guide touristique déjanté. Et ça marche parfaitement. Ils recyclent les clichés éculés, par ordre alphabétique : alcoolisme, autoritarisme, corruption, mafia, pauvreté, paysans attardés, pornographie, prostitution, radioactivité... J'en oublie sûrement.

La 4e de couverture résume assez bien ce qu'on y trouve :
La Molvanie
Patrie de la polka et de la coqueluche, la Molvanie est une destination souvent négligée par les touristes, mais grâce à ce guide Jetlag entièrement remis à jour, le visiteur enthousiaste pourra désormais profiter de l'un des secrets les mieux gardés de l'Europe de l'Est. Tout ce que vous devez savoir est dans ce guide :
QUAND S'Y RENDRE Ceux qui voudront éviter les hordes de touristes choisiront la « morte saison » – autrement dit l'hiver ou pendant le Lutenblag Jazz Festival. OÙ SE LOGER Un court trajet en bus, et vous voilà à la Pensjon Prazakuv. Vu de l'extérieur, cet hôtel sans prétention semble minable, vieillot et insalubre. C'est le cas. OÙ SE RESTAURER Le Varji est une pizzeria extra proposant d'intéressantes garnitures : le « suprême d'anchois à la figue », par exemple, à manger ou à vomir à la maison. Livraison gratuite dans un rayon de 100 mètres. À NE PAS MANQUER Différentes activités sont proposées sur le lac : ski nautique, planche à voile, parachute ascensionnel (délicat compromis entre le parapente et le suicide). SÉCURITÉ CRIMINALITÉ Les pickpockets sont présents dans les principales gares. Ne quittez pas vos affaires des yeux. S'il vous manque quelque chose, le mieux est d'aller voir un Guardja Civilje. Il n'est pas impossible qu'il soit l'auteur du larcin.
Vous l'avez compris, on retrouve toutes les rubriques des guides touristiques (histoire, culture, gastronomie, hébergement...). Les pasticheurs n'ont rien oublié. Les illustrations, les cartes, les photos valent le détour. Ainsi, deux photos de la ville de Vajana, la première « Vajana, la Vielle Ville », et la seconde « Vajana, ville nouvelle ». Les deux photos sont identiques, la première en noir et blanc, la seconde en couleur. On apprend aussi que de Molvanie, les cartes postales arrivent plus vite que les mails. Plus tôt, on nous informe de la hausse de la fréquentation d'un lieu touristique proportionnelle à la baisse de sa radioactivité (extraits en anglais sur le site du livre). Voici un autre exemple lorsqu'on nous parle des Tsiganes :

LES TSIGANES
Certains pays européens connaissent des difficultés internes liées aux gens du voyage résidant sur leur territoire. La Molvanie s'enorgueillit de ne rien connaître de tel, la majeure partie des gitans ayant été reconduits à la frontière ou incarcérés.
C'est drôle, non ? Ah bon, vous ne trouvez pas ? Pourquoi ?


De qui se moque-t-on ?
Ce livre tire à tout-va. On se moque des pays de l'Est, du regard des occidentaux sur ces pays, des touristes, des guides touristiques. Comparant ce livre à Borat, Stéphane Laurent parle de critique du regard occidental, et non la critique des pays. Certes, mais le risque demeure. Un lecteur qui ne connaît que les clichés, confortera son point de vue avec une lecture au premier degré (signalons tout de même que la Moldavie, et non la Molvanie, est la nation qui consomme le plus d'alcool au monde (*)).

C'est le problème immuable de l'humour. Une blague juive est une blague antisémite si elle est dite par un Goy, alors qu'elle devient auto-dérision par un Juif. Il faudrait, pour couper court à une accusation de racisme, sortir un livre identique sur une Australie imaginaire. Je suis certain que cela pourrait être drôle, un pays colonisé par des bagnards et des lapins, les aborigènes rendus alcooliques... oui, il y a matière à se marrer.

Et Flammarion ferait un grand coup en sortant un tel livre inspiré de la France : un pays imaginaire qui reprendrait les clichés du Français veule, fainéant, prétentieux, alcoolique, beauf... Tiens, cela me rappelle Groland. Et là, je rêve d'un guide touristique sur Groland !

Le Groland sur ta voitureIl semblerait que ce livre existe déjà, sorti en 1999, deux ans avant la première édition de la version originale du guide Molvana d'ailleurs : Le Guide du Groland, sous-titré Pays joyeux, accueillant, et lâche écrit par Jules-Édouard Moustic, Michael Keal et Francis Kuntz (Éditions Michel Lafont). Allez, les gars, et si vous ressortiez votre guide dans la collection Jetlag ?


Verdict ?
Malgré ce point sur la légitimité, ce guide est très drôle, à la Groland, c'est-à-dire en jonglant entre le gras et la finesse (c'est pas la Finlande, non plus, dirait Moustic). Une amie kazakhe me disait n'avoir pas trouvé amusant Borat car elle avait vécu des situations similaires en vrai. Je ne lui conseillerai donc pas, à elle et à mes amis moldaves, La Molvanie, sans Le Guide du Groland. Et comme on dit au Groland : Banzaï !

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(*) Ce classement est basé sur le dernier rapport de l'OMS qui a largement été repris par la presse. Le top 10 est listé par The Independent.