samedi 6 mars 2010

Le roman dont JE suis le héros

Où l'on apprend que je suis commissaire de police dans une autre vie, fictive celle-ci.


Quelle pagaille !
Pagaille monstre de Jérôme AttalNon, je ne vais pas vous parler du dernier livre de Jérôme Attal. Je ne l'ai pas encore lu. Allez, et puis oui finalement, car l'idée mérite qu'on s'y attarde. Tout d'abord, je vous ai déjà parlé sur ce blog du parolier le plus hype de Paris (il a récemment adapté du Johnny Cash pour Eddy Mitchell) à l'occasion de son Journal fictif d'Andy Warhol, et j'en avais profité pour pousser la chansonnette : vos oreilles s'en souviennent. Douloureusement.

Il propose avec son dernier livre, Pagaille monstre, à la manière des livres « dont vous êtes le héros » qui pullulaient dans les années 80, un livre où le lecteur choisit lui-même l'évolution de l'histoire. Seulement, et c'est là la nouveauté, il a transposé le concept de la science-fiction/fantasy à un autre genre littéraire, ici les errances amoureuses, les chassés croisés, etc.
Je ne sais pas à quoi il carbure, mais son cerveau est un véritable générateur d'idées. Déjà, celle du Journal fictif... Chacun sait néanmoins, pour paraphraser Mallarmé, qu'on n'écrit pas avec des idées mais avec des mots, alors j'ai hâte de vérifier si le livre tient ses promesses, et j'en parlerai avec l'auteur qui sera en dédicace le 8 mai 2010 à la librairie l'Amandier, à Puteaux.

Peut-être va-t-il initier un mouvement, et que d'autres auteurs vont écrire des livres « dont vous êtes le héros » sur d'autres sujets. J'adorerais, par exemple, un livre similaire se passant dans le monde de l'entreprise : le harcèlement, les plans de licenciement, les promotions canapé... Je vous arrête tout de suite, je serais incapable d'écrire un tel livre, c'est bien de connaître ses limites.
Mais bon ce type de livres, tout de même, assez démocratique (tous les lecteurs peuvent être le héros), ne vaut pas, pour l'orgueil, un livre dont JE suis le héros, je veux dire un livre dont Franck Garot est, sinon le héros, un des personnages.


Le commissaire Garot
Vous connaissez Nicolas Ancion ? Il y a quelques années, Nicolas et moi participions aux concours de nouvelles. Depuis, il a choisi de se consacrer entièrement à l'écriture (je crois qu'il continue toujours les concours), alors que je suis resté un dilettante.
Et comme il le dit ici, « un écrivain, à mes yeux, c'est quelqu'un qui écrit, avant tout .» Alors il n'arrête pas, il écrit sans cesse, monte des projets les plus fous. Sa dernière folie ? Écrire un polar en direct de la Foire du livre de Bruxelles, et en 24 heures chrono. N'importe quoi ! Nicolas : Tu devrais voir quelqu'un, pour reprendre un titre de roman... Il explique sa folie sur son blog.

Nicolas Ancion écrivant son polar en direct du L@b du journal Le Soir à la Foire du livre de Bruxelles. (c) Le Soir (Pierre-Yves Thienpont)

Si j'en parle ce soir, ce n'est pas seulement par amitié, mais aussi parce qu'il a utilisé mon nom pour un de ses personnages, un commissaire alcoolique, c'est un rôle de composition évidemment, je ne suis pas commissaire. Bien entendu, je ne suis pas le seul Franck Garot de la planète, mais c'est bien mon nom qu'il utilise et non celui de mon homonyme de cousin par exemple. En tout cas, j'avais trouvé l'idée très plaisante, il avait carte blanche pour le personnage, et je ne suis pas déçu.
Enfin, la question qu'on se pose maintenant que son polar est écrit, c'est : et ça donne quoi ? Vous pouvez le lire sur le site du journal Le Soir. Je trouve qu'il s'en sort plutôt bien. Bien entendu, ce n'est pas publiable en l'état, il faut un travail de correction, de finition. L'écriture, c'est du travail, beaucoup de travail, après le premier jet, mais ce qu'a fait Nicolas est déjà énorme. Je ne sais pas si son polar sera à terme publié, je serais curieux de voir la différence avec cette première version. Quoi qu'il en soit, bravo l'ami !

Je ne résiste pas à vous donner à lire le début du polar, où le commissaire Garot se soulage.

Une très petite surface

1. UN

La rue est sombre mais pas tout à fait silencieuse. Quelle heure peut-il bien être ? Deux ou trois heures du matin ? L'éclairage public ponctue de taches palotes le trottoir de droite, où de moches jardinets tentent de donner un air joyeux à des maisons ouvrières défraîchies. Du côté gauche, un grillage industriel longe la rue, laissant entrevoir un terrain de football.
On entend au loin le ronflement de la ville assoupie et de ses habitants enterrés sous les couettes. Un moteur de voiture se rapproche. Il vrombit et vrombit à nouveau. Une Renault Mégane blanche s'engouffre dans la rue à vive allure, elle zigzague à la hauteur des jardinets et vient racler le trottoir juste devant le dernier bâtiment. Un homme descend du côté conducteur, respire une grande bouffé d'air et marche jusqu'au seuil de la maison en sifflotant. Ce n'est qu'après avoir introduit la clef dans la serrure qu'il remarque que la portière est restée ouverte. Il retourne sur ses pas, claque la portière d'un geste solennel et ouvre, sans plus de précautions, sa braguette face au terrain de football.
La flaque à ses pieds s'étend de seconde en seconde, elle ressemble d'abord à la Wallonie, tout en largeur, puis à une espèce de France sans le Finistère, pour finir en long ruisseau qui dévale vers le caniveau.
L'homme lève le nez vers le ciel et cherche la lune, qu'il ne trouve pas, pour cause de ciel nuageux. Il ne s'en soucie pas et retourne à la maison, empruntant une trajectoire presque rectiligne, dont il est très fier.
Il est un peu saoul, le commissaire Garot.
Franck, qu'on l'appelle dans le service.
Il veut monter les marches quatre à quatre mais s'agrippe bien vite à la rampe.
Les murs ondulent et l'escalier tortille.
Il s'assied un instant. Pense à sa fille.
Ça n'aide pas à dessaouler, encore moins à retrouver l'équilibre. Elle est là-haut dans sa chambre, la petite. Il a envie de la voir. Il monte à quatre pattes, atteint péniblement le palier, la maison est petite, heureusement, les étages ne sont pas trop hauts. Il se redresse enfin et avance à pas feutrés vers la chambre de sa fille, l'entrouvre et glisse un œil. La lampe du corridor éclaire le lit aux draps fleuris.
Il est vide.
Le commissaire Garot vacille, repousse la porte contre le mur. Tâtonne à la recherche de l'interrupteur, allume le lustre.
La lumière vive lui fait plisser les yeux. Le lit est vide mais il est soigneusement refait.
Natacha est sortie. Natacha n'est pas rentrée. Natacha s'est fait agresser. Les hypothèses les plus horribles se bousculent dans la tête du commissaire.
Il referme la porte et décide de filer aux toilettes pour soulager son estomac. [lire la suite]


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Photo: Nicolas Ancion écrivant son polar en direct du L@b du journal Le Soir à la Foire du livre de Bruxelles. (c) Le Soir (Pierre-Yves Thienpont)